Love Is All est ce clip merveilleux qui oscille entre souvenir d'enfance et message d'amour de type Beatles. Et pourtant, ce sont des métalleux aux commandes: Roger Glover, le bassiste de Deep Purple, plus connu pour le morceau Smoke On The Water qu'il a composé pour le groupe, et Ronnie James Dio, que l'on retrouve dans Elf, Rainbow, Black Sabbath, Dio, Heaven and Hell...
Ce clip est universellement connu pour avoir peuplé l'enfance de toute une génération à travers le monde. Tout particulièrement en France où la chaîne Antenne 2 (ancien France 2) diffusait le clip dès qu'il y avait un problème technique, ce qui devait arriver plus fréquemment qu'on le croit vu les souvenirs que l'on en a gardé! Aux USA il fut aussi diffusé régulièrement dans plusieurs émissions jeunesse durant une vingtaine d'années, tandis qu'en Australie et aux Pays-Bas le titre fut porté par une grande notoriété, si bien qu'au pays du fromage le morceau fut encore utilisé en 2006 par un parti politique pour illustrer sa campagne.
Il fut aussi l'objet de nombreuses reprises, l'une des plus marquante étant celle pour la publicité "Sironimo" (marque de sirop à boire dont chaque parfum faisait référence à une couleur et à un animal) qui a repris le thème de la parade animale pour vanter les mérites de son produit. De même le groupe Florabelle et la Mushroom Family (chanson pour enfants) reprit le titre avec un clip en image de synthèse plus axé sur le thème des fées. En 2008 enfin le morceau est repris par une pléïade d'artistes (Micky Green, Jacques Higelin, Nina Hagen, Mathieu Boogaerts, Dirk Von Lowtzow et Mieze Katz) sous l'égide de Gonzales, pour promouvoir la série d'émissions Summer of the 70's d'Arte. Tout ceci sans parler des adaptations en français, l'une par Sacha Distel, intitulée Toutes les mêmes (utilisant la musique et les images originales!), et l'autre par Henri Dès titrée Ma Parole.
Pour vous parler du clip original, nous devons revenir à un poème de William Roscoe publié en 1802, intitulé The Butterfly's Ball, and the Grasshopper's Feast (littéralement "Le Bal du Papillon, et le Festin de la Sauterelle"). De ce poème, Alan Aldridge (sobrement surnommé par John Lennon "le Royal maître des images de ses Majestés les Beatles") fera un livre en coopération avec l'écrivain William Plomer.
L'inspiration d'Aldridge remonte à loin elle aussi: à la lettre de l'illustrateur John Tenniel envoyée à Lewis Carrol en 1870, demandant à celui-ci de supprimer un chapitre de la suite d'Alice au Pays des Merveilles, De l'Autre Côté du Miroir, car il était selon lui impossible, de dessiner "a wasp in a wig" ("une guêpe en perruque", ceci étant un jeu de mot sur l'expression "a bee in the bonnet", que l'on traduirait chez nous par "avoir une araignée au plafond"), comme le suggérait le chapitre en question. Alridge voudra relever le défi en s'attaquant à une œuvre basée sur des insectes anthropomorphes: The Butterfly Ball and the Grasshopper Feast est publié en 1973.
Dès l'année suivante, en 1974, Roger Glover, bassiste des Deep Purple donc, s'attaque à la réalisation d'un album-concept en 20 titres qui sera l'occasion de réunir de très nombreux musiciens: entre autres Les Binks (batteur de Judas Priest), David Coverdale (chanteur de Whitesnake, mais aussi de Deep Purple de 73 à 76), Michael Giles (premier batteur de King Crimson), Gleen Hughes (chanteur-bassiste de Trapeze, de Black Sabbath et... de Deep Purple en remplacement de Glover), Eddie Jobson (le violoniste de l'album, qui joue aussi du clavier comme dans Roxy Music en remplacement de Brian Eno... Il a joué aussi avec Jethro Tull, Yes, King Crimson, Zappa...) et enfin bien sûr Ronnie James Dio.
Par la suite un concert unique fut donné le 16 octobre 1976 au Royal Albert Hall, réunissant la majeure partie des artistes de l'album. Pour l'occasion, l'acteur Vincent Price prêta sa voix au narrateur de l'histoire. Seul Dio était absent, en tournée à l'époque avec Richie Blackmore et Rainbow, et c'est Ian Gillan (chanteur de Deep Purple qu'il avait quitté en 1973 pour se consacrer aux affaires) qui le remplaça au pied levé pour le chant de Love Is All (il le remplacera aussi plus tard dans Black Sabbath). Il s'agissait de son premier concert depuis sa reconversion, et ce passage sur scène, pour lequel il reçut une ovation dès son arrivée, l'incita à revenir à la musique. En 1999, Dio chantera Love Is All dans la même salle en tant qu'invité de Deep Purple.
Ce concert fut alors converti en film en 1977, réalisé et co-scénarisé par Tony Klinger (producteur entre autres du film The Kids are Alright des Who en 1979), et d'où fut tiré le clip en dessin animé de Love is All, pour sa part réalisé par Alan Alridge, le dessinateur original de l'histoire. Ce dernier aura par ailleurs réalisé dans sa carrière de nombreuses pochettes d'albums de rock: des Who (A Quick One en 1966), d'Elton John (Captain Fantastic and the Dirty Brown Cowboy en 1975), jusqu'à Incubus (Light Grenades en 2006).
Ronnie James Dio quand à lui avait commencé la musique par la trompette et le cor français. On aura beau trouver ça drôle de la part du pape du Heavy Metal, celui-là même qui a popularisé le signe de la main symbolisant les cornes du diable auquel se rallient tous les métalleux, mais les techniques de souffle apprises pour jouer de ces instruments seraient selon lui l'explication de la puissance vocale qui le caractérise, alors qu'il n'a jamais pris un cours de chant.
La carrière de Dio commence dès 1958, mais c'est en 1972 que son groupe de l'époque, Elf, est remarqué par Ian Paice (batteur de Deep Purple) et Roger Glover qui deviendront leurs producteurs. Elf passe alors en première partie de Deep Purple, et lorsque le guitariste Ritchie Blackmore démissionne de son poste en 1975, il fonde avec tous les membres de Elf le groupe Rainbow. Après quelques albums Dio quitte le groupe suite à un désaccord avec Blackmore, et rejoint Black Sabbath en 1979, dont Ozzy Osbourne venait de se faire renvoyer. Il y restera jusqu'en 1982, date à laquelle il fondera son propre groupe: Dio, avec Vinny Apice qui a quitté Black Sabbath avec lui.
Le groupe Dio connaîtra à son tour un défilé de musiciens plus doués les uns que les autres: Vivian Campbell (qui sera guitariste de Def Leppard et de Thin Lizzy), Simon Wright (batteur d'ACDC), Jens Johansson (clavier d'Ygnwie Malmsteen), Rudy Sarzo (basse pour Quiet Riot, Osbourne et Whitesnake)...
Après une contribution en 2006 à l'album et au film The Pick of Destiny des Tenacious D, Dio participera à une reformation des Black Sabbath de la période dite "Dio", sous le nom Heaven and Hell (du nom du premier album des Sabbath auquel Dio participa, en 1980), qui fut un grand succès hélas interrompu par le décès du chanteur en mai 2010, à 67 ans, d'un cancer de l'estomac. Vous m'excuserez donc d'avoir passé plus de temps sur la carrière de Dio que sur celle de Roger Glover, cet article ne pouvant faire l'impasse d'un hommage, qui trouve son point final avec ce clip de 2006 des Tenacious D, Kickapoo, où après l'apparition de Meat Loaf comme père du jeune Jack Black, Dio intervient pour montrer au jeune garçon la voie du rock pour fonder "le plus énorme de tous les groupes"... le tout en Métal!
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