Délesté de sa guitare ou de tout autre musicien l'accompagnant, Dylan devient dans ce clip un porteur de pancartes comme on en trouve sur les plateaux de télévision, à côté de la caméra. Métier abrutissant s'il en est, que de servir de chevalet à quelqu'un qui essaye de faire croire qu'il sait de quoi il cause dans le poste! Mais ici Dylan joue avec son propre texte, lui-même déjà truffé de jeux de mots et de références, car c'est un texte mêlant critique politique et référence à la culture Beat, le titre même du morceau vient du roman de Jack Kerouac: The Subterraneans.
Tant et si bien que toute une génération de la contre-culture rock parvenait à comprendre les paroles et les allusions induites par Dylan, tandis que ceux qui n'en faisaient pas partie n'y entendaient qu'un verbiage nasillard et incompréhensible (curieusement moqué d'ailleurs dans le film The Doors d'Oliver Stone, lors de la scène de retrouvailles entre Jim Morrison et Ray Manzarek, sur la plage de Venice. Les Doors n'étaient pourtant pas en reste pour faire des textes tout aussi hermétiques, l'humour en moins). Le fossé entre les générations exprimé en une seule chanson.
Ce morceau est donc inscrit dans le mouvement Beat, lui-même étant une des sources du rock et du mouvement hippie. Et pour cause! Regardez les deux personnages en arrière-plan qui discutent pendant que les pancartes de Dylan s'en vont glisser jusqu'au sol: nous avons là Allen Ginsberg et Bob Neuwirth, qui font un caméo. Le premier (ci-contre en homme-sandwich lui qui avait écrit le recueil "les sandwiches de la réalité"... Je vous laisse le soin de traduire, n'étant pas sûr de la légalité de ce genre de message sur blogger...) était un poète, sans doute le plus illustre du mouvement beat, à la carrière sulfureuse autant sur le plan littéraire, que politique ou personnel. Neuwirth pour sa part est un chanteur-guitariste américain notamment célèbre pour avoir co-écrit la chanson Mercedes Benz avec Janis Joplin et Michael McClure (autre célèbre poète de la beat generation).
A ces deux gaillards qui taillent le bout de gras en background, nous pouvons ajouter Donovan, le chanteur hippie écossais. C'est à quatre avec Dylan que les affiches furent dessinées, et que de nouveaux jeux de mots furent inventés, cette fois-ci visuels (j'espère entre autres que vous goûtez le "suckcess" à sa juste valeur!), le tout sur une idée originale de Dylan lui-même.

Ce clip n'est donc pas vraiment un clip, il n'en reste pas moins que grâce à cette idée accrocheuse qui lui donne un intérêt et une cohérence, tout en permettant d'ajouter de la valeur et du sens à la chanson (que ce soit par l'esthétique du lieu, par la police d'écriture utilisée sur les panneaux, les jeux de mots "à lire" qui s'ajoutent à ceux "à écouter"...), Subterranean Homesick Blues n'a jamais eu de problème pour être diffusé en dehors de son support d'origine, et avoir un réel impact artistique sur ceux qui le visionnaient. Il est donc considéré comme l'un des premiers films musicaux promotionnels, ouvrant la voie au vidéoclip.
Le morceau sera interprété à d'innombrables reprises, en tant que standard du folk mais aussi sur des rythmes moins conventionnels (la reprise des Red Hot Chili Peppers sur l'album The Uplift Mofo Party Plan de 1987 est particulièrement bluffante). Il y sera aussi fait référence un nombre incalculable de fois dans la culture populaire américaine et internationale, la plus notable étant le titre Subterranean Homesick Alien de Radiohead sur l'album de 1997 OK Computer).
Le clip aussi fit des émules! INXS pour leur morceau Mediate en 1987, Bloodhound Gang pour Mope en 1999, Les Claypool's Fearless Flying Frog Brigade pour Buzzards of Green Hill en 2002 (ci-dessous en bonus!), ou encore plus près de nous, Alain Chamfort pour Les beaux yeux de Laure en 2004, lequel y glissait ces quelques mots, sur pancarte, évidemment: "Bon d'accord, je me suis pas cassé pour mon clip. Mais j'ai une excuse. J'ai été viré de ma maison de disques, ils allaient pas en plus me payer un clip, alors j'ai pompé ce clip de Dylan qu'on a tourné en une heure". Faire simple peut être surprenant, c'est surtout peu onéreux!
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