jeudi 6 octobre 2011

Black Betty (Ram Jam)


L'origine de la chanson Black Betty se perd dans le folklore du sud des États-Unis. Si les premiers enregistrements (a capella) connus datent de 1933, elle serait l'adaptation d'une chanson de travail qui remonterait jusqu'au 18e siècle.

Ainsi, la signification même des termes "Black Betty" est sujette à caution, ceux-ci ayant désigné un fusil à silex à la crosse noire du 18e (la chanson prenant alors la forme d'une chanson de cadence rythmant la marche, et le "Bam-A-lam" devenant une référence au son d'une salve de tirs), une bouteille de whisky ("bam-A-lam" devenant une sonorisation de l'effet de l'eau de feu sur les cervelles des travailleurs, dans ce sens on trouve chez Benjamin Franklin et son Dictionnaire de l'alcoolique publié en 1736, dans lequel  il livre 228 façons de s'enivrer, la phrase "il a embrassé Black Betty"), le fouet utilisé par les esclavagistes et dans les pénitenciers américains (ici, ce sont donc les claquements du fouet qui seraient donc reproduits), ou encore le wagon de transports des prisonniers des pénitenciers, appelé "Black Maria", et qui aurait été surnommé "Black Betty" (le "bam-ba-lam" devenant donc le bruit des roues sur les rails).

La paternité de cette chanson est pourtant généralement admise comme appartenant à Leadbelly (ventre de plomb), alias Huddie William Leadbetter, qui l'aurait enregistré a capella dans un pénitencier pour les musicologues Alan et John Lomax qui y avaient découvert son talent (et lanceront une pétition grâce à laquelle le chanteur-guitariste pour retrouver sa liberté). Vous ne connaissez pas ce Leadbelly? Allons, je vous assure que vous le connaissez mieux que vous ne le pensez: House of the Rising Sun (repris par les Animals d'Eric Burdon en 1964, et intitulée à l'origine In New Orleans) et Where Did you Sleep Last Night (repris par Nirvana durant leur MTV Unplugged en 1993, où Kurt Cobain annonce la reprise comme étant un morceau "de son", puis il se reprend, "de leur interprète préféré"): c'est lui! Il fit d'ailleurs l'objet d'une foultitude de reprises par Led Zeppelin, Van Morrison (qui avait un poster de Leadbelly sur le mur où qu'il habite), les Rolling Stones, Abba, The White Stripes...



Cependant Leadbelly n'aurait fait que réinterpréter ce morceau pour les Lomax, qui avaient eux-même fait enregistrer ce morceau par un autre chanteur James Baker (lui-même surnommé Iron Head, "tête d'acier", on savait trouver des surnoms à l'époque!). C'est pourtant la version de Leadbelly, longue de 59s seulement, qui deviendra la référence du titre, et qui fera l'objet d'une reprise par Ram Jam dans les années 70.

Ram Jam? En fait non, il s'agira tout d'abord des Starstruck qui reprendront le titre en 1976 sous leur propre label nommé Truckstar (ça ne s'invente pas!), avec comme leader le guitariste Bill Bartlett (ex-Lemon Pipers), et obtiendront un succès régional dans leur état de l'Ohio. Celui-ci attirera l'attention de deux producteurs de New York,  Jerry Kasenetz et Jeff Katz de la maison Epic Records. Bartlett sera débauché, un nouveau groupe formé autour de lui, avec le chanteur Myke Scavone, le batteur Pete Charles, le bassiste Howie Arthur Blauvelt, et plus tard Jimmy Santoro: ce sera Ram Jam.


Le titre obtiendra cette fois un succès international, même si le NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), entre autres, appela au boycott du morceau au motif qu'il insultait selon eux la femme de couleur, signe que déjà à l'époque le titre original, issu de la culture noire américaine, était bien tombé dans l'oubli.

Ram Jam n'aura pourtant pas une longue carrière: après deux albums (Ram Jam en 1977 sur lequel on retrouve donc Black Betty, et Portrait of of the Artist as a Young Ram en 1978, le groupe se sépare. Hauvelt le bassiste, qui avait déjà joué avec Billy Joel dans deux formations différentes, rejoindra un groupe de Funk Blues, Spitball, jusqu'à sa mort d'une crise cardiaque en 1993. Myke Scavone fait partie du groupe The Doughboys du New Jearsey. Bartlett selon la rumeur continuerait de jouer, entre le sud-ouest de l'Ohio et l'est de l'Indiana (on ne rit pas!! Vous pouvez trouver des vidéos récentes de lui sur Youtube interprétant son titre-phare).

 Alors maintenant intéressons-nous au clip! Vous l'aurez remarqué j'espère, il est bien pourri.Vous avez ici la version de 1977 de celui-ci, qui prend place à l'arrière d'une maison dont le jardin aurait bien besoin d'un coup de tondeuse, dans une ambiance bières et bikers, sobrement annoncée par un "Ram Jam" taggé sur une planche de bois sale. A la sixième seconde du clip, vous avez un plan d'ensemble, avec de gauche à droite Myke Scavone (chanteur principal du groupe sauf... pour Black Betty leur unique succès! Ayez une pensée pour lui pendant qu'il essaye de mettre de l'ambiance en sautant sur place à 0:59), Bill Bartlett, Pete Charles (la grosse caisse doublée ça déchire!!), Howie Hauvelt le bassiste (on sent bien qu'un jour il fera du funk n'est-ce pas?) et enfin Jimmy Santoro.

Ce qui est génial dans ce clip, c'est la synchronisation et le chronométrage. Vous voyez de quoi je parle? Avez-vous remarqué de temps en temps (et ça arrive dès la troisième seconde de la vidéo) une sorte de flottement, comme si les mouvements des musiciens étaient suivis d'un écho, comme à la bonne époque des séries du genre L'homme qui valait trois milliards? Et bien ça mes amis, c'est tout simplement que l'image étant décalée par rapport au son, les monteurs de la vidéo ont rajouté de l'image comme ils pouvaient pour que, par exemple, les coups de baguettes du batteur visibles à l'image colle à la musique.

En effet, un clip n'est pas enregistré en même temps que la musique: celle-ci précède le clip, et la vidéo est tournée ensuite. Et donc pendant l'enregistrement du clip l'équipe technique a pour tâche principale synchroniser l'image des musiciens jouant et le son de la chanson tel qu'enregistré en studio, le plus simple étant de diffuser sur le plateau le morceau pendant que les musiciens jouent dessus en playback.

Ici, il semble évident que les musiciens ont joué un live de Black Betty dans leur jardin, et de ce fait ils sont décalés par rapport à l'enregistrement studio (auquel d'ailleurs les musiciens de Ram Jam n'avaient pas mêm participé, puisque c'est celui de Starstruck qui a été réutilisé, et donc Bartlett est le seul membre de Ram jam présent sur Black Betty). Ainsi à 01:13 lorsqu'il manque quelques notes au solo (en image) de Bartlett pour coller au son, on rajoute tranquillement quelques images!

Si seulement c'était le seul défaut de ce clip! Car on peut remarquer que Bartlett y joue à la fois la guitare solo et rythmique tandis qu'on voit peu Santoro, véritable guitariste rythmique du groupe. Surtout on ne sait pas trop ce que faisait le caméraman pendant la seconde partie du morceau (parti faire de la moto avec une des groupies et un pack de bières j'imagine), qui ne dure pourtant que 3:54. Perte des images ou manque de professionnalisme peu importe, il résulte qu'il est passablement compliqué de faire un clip de 4mn quand on n'a que 2mn d'images. Pensez-donc, cela ne les arrêtait pas à l'époque!

Vous ne serez donc pas surpris si vous regardez bien dans la seconde moitié du clip: ce sont les mêmes images que dans la première qui sont utilisées! Je ne vais pas tout répertorier, mais voyez par exemple Scavone qui donne des coups de poings dans le vide à 01:57 comme à 03:23, ou Bartlett qui se retourne vers la batterie à 01:40 comme à 03:05! Et sur ce coup le monteur a eu de la chance, car les toms dissimulent ce que fait vraiment le batteur, permettant de réutiliser l'image une troisième fois à 02:07, cette fois pendant le solo de guitare qui est un véritable patchwork des plans de la première partie! Simplement, il y en a deux pour le prix d'un, ce qui rend plus compliqué pour le téléspectateur d'identifier le plan que l'on a déjà vu, et que l'on reverra encore ensuite!

En 1990, le titre de Ram Jam sera remixé version dance ce qui, en s'abstenant de faire tout autre commentaire, prouve que le titre reste populaire. Tant et si bien qu'il semblerait que des nostalgiques du groupe ont eu le courage de se retrousser les manches afin de remonter le clip pour en faire une version certes bien plus acceptable en terme d'image, mais frustrante pour les fans du morceau (dont la durée tombe à 2mn40), et qui enlève au clip la saveur de l'anecdote témoignant du dilettantisme attendrissant dont on savait faire preuve dans les années 70.

2 commentaires:

  1. Tu as raison ce clip est pourri et c'est tout ce qu'on en retiendra malgré ton beau travail d'analyse!! ;)
    Dans le genre montage foireux mais fait exprès je claque INVASIVES en dessous! ahah

    http://youtu.be/TsgseB6BNn8

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  2. HAHAHA!! Tu as raison, il correspond tout à fait à l'esprit! Je plussoie tiens! ;-)

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